Le management d’après-covid : mutation durable ou retour à l’ordre ?

Nombreux sont les sociologues et hommes politiques pour lesquels il y aura, en management comme dans d’autres domaines, un avant et un après covid-19.

Le choc subi va provoquer une prise de conscience générale. Il est vrai que quelques nouvelles pratiques managériales pourraient se pérenniser. Selon une enquête Citrix, 66 % des travailleurs pensent que le travail à distance sera plus fréquent après cette crise. Ce qui implique, on le sait, une modification des comportements managériaux pour animer à distance, dans la confiance, les équipes.

On peut aussi imaginer, afin d’éviter les coûts physiques et environnementaux du sur-transport, que se multiplient les tiers-lieux. Ces espaces de travail, ouverts et collaboratifs, proches du domicile des salariés. Les entreprises, pour des raisons de coûts, pourraient enfin décider de s’appuyer plus encore sur les indépendants pour réaliser leurs activités. D’où une montée de l’individualisation des conditions et contrats de travail. Avec des flexibilités différentes et une complexité accrue pour la gestion des ressources.

Pourtant, il est fort à parier que l’après covid ne connaisse pas la métamorphose managériale attendue. D’abord, en raison de la tendance à l’homéostasie des organisations. Ensuite, du fait de l’envie des managers de reprendre en main des collaborateurs devenus à leurs yeux trop éloignés, dispersés, indépendants. Enfin, parce que nombre d’entreprises aspireront à recouvrer rapidement de la performance en manageant de façon conventionnelle, c’est-à-dire à « rênes courtes », un corps social à réaligner.

Comme l’écrivait l’historien Eric Hobsbawm, « nous nageons dans le passé comme des poissons dans l’eau et ne pouvons lui échapper »…

Auteur : Jean-Yves Guillain

Article publié initialement dans la revue Question(s) de management, n°28, juin 2020.