Les profils atypiques, alliés clés de la réussite de vos transformations ?
Si les discours laissent grande place à la diversité, nombre de signes montrent que les organisations actuelles semblent avoir du mal à se défaire de l’attraction de la pensée unique. Cette pensée qui va du « surtout pas de vague » à « recrutons des profils capables de se mouler dans notre culture ». Cette pensée qui laisse imaginer qu’en abordant les sujets avec le même prisme, on serait plus performant.
En 2013, déjà, la Commission européenne avait accusé les entreprises européennes de manquer d’innovation et de diversité en raison d’une pensée unique trop généralisée. Elle avait notamment regretté que dans trop instances dirigeantes « les membres partagent un parcours universitaire ou professionnel similaire, une origine géographique, le même âge et le même genre ».
Depuis, il est vrai que les organisations ont fait de gros efforts pour développer la diversité et respecter des différences. Elles ont enfin compris que les soft skills sont aussi importants que les compétences « dures ». Mais dans quelle mesure ? Au point d’accepter de gérer des collaborateurs décalés, atypiques et non conventionnels et donc confrontant ? Ne pas penser comme tout le monde est souvent considéré non comme une qualité, un « savoir-faire », mais comme la manifestation d’un esprit de contradiction.
Le problème de ce « lissage » des profils, c’est qu’il ne favorise guère l’audace, la prise de risque, l’innovation. Si tout le monde pense à peu près la même chose, par intérêt ou pour se conformer au moule dominant, comment parvenir à sortir de sa zone de confort, remettre en cause les routines organisationnelles, accepter des modes de fonctionnement différents et développer l’innovation managériale ? L’épistémologue Karl Popper[1] a démontré que la connaissance ne surgit qu’au terme de la démolition des hypothèses dominantes. On pourrait y ajouter le challenge des idées toutes faites, bien installées.
Si l’esprit startup fait rêver nombre de dirigeants, n’est-ce pas parce que justement la pensée unique assèche la créativité en entreprise ? Les startups ne sont pas – pas encore du moins – tombées dans les travers de la surrèglementation et n’ont pas peur de leur ombre. Elles ne musèlent pas les profils décalés, les profils atypiques. Au contraire, elles sont à leur recherche, parce que la pensée latérale est facteur de nouveauté, de différenciation, d’invention de nouveaux modèles.
Les profils non conventionnels apparaissent donc essentiels à la réussite des transformations des organisations. Notamment si celles-ci aspirent, réellement, à réviser leurs modèles mentaux, à réinventer leurs modes de fonctionnement, à ajuster leur ADN dans un sens plus vertueux et performant. Une approche disruptive de la façon de procéder, faisant fi des réflexes et sentiers battus habituels (qui contribuent à ce que 75% des projets de transformation n’atteignent pas les résultats escomptés[2]), constitue une clé pour appréhender des environnements et des problématiques complexes. Elle permet d’offrir de nouvelles grilles de lecture, de (se) poser les bonnes questions, d’apporter de nouveaux outils et méthodes, de promouvoir un état d’esprit novateur, d’imaginer une approche des transformations plus mobilisatrice et encapacitante.
Et vous, dans votre organisation, comment considérez-vous les profils atypiques ? Quelle place leur laissez-vous ? Sont-ils des alliés clés de vos transformations ?
Article rédigé par Jean-Yves Guillain – Co-fondateur du Transfo’LAB, chercheur associé à la chaire ESSEC du Changement et expert en accompagnement des transformations d’organisation
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[1] Karl Popper, La logique de la découverte scientifique, Payot, 1973.
[2] https://www.bcg.com/featured-insights/winning-the-20s/science-of-change